Tribune. Le grand public redécouvre le scandale des prix illégitimes des médicaments et des produits de santé au travers de l’exemple du Zolgensma. Cette thérapie génique contre l’atrophie musculaire spinale est commercialisée par le laboratoire suisse Novartis au prix de 2 millions d’euros l’injection. Novartis a proposé un tirage au sort pour désigner des bébés bénéficiaires. Si la loterie scandalise, légitimement, le scandale ne se limite pas à cette stratégie indigne, qui n’en est qu’une manifestation. Car le Zolgensma a été développé grâce au Téléthon, de l’argent de dons défiscalisés, de l’argent public et caritatif.
Cet exemple est loin d’être unique. Bien que développés par la recherche publique française, des outils de suivi des hépatites virales sont aujourd’hui sous brevet d’entreprises privées qui sont les seules à bénéficier des profits des ventes. Dans le domaine de la tuberculose, la bédaquiline, véritable avancée, a été développée en grande partie grâce à des financements publics et caritatifs. De son côté, l’entreprise française Sanofi cherche à breveter une combinaison de molécules, découvertes il y a plusieurs décennies, et à la vendre au prix fort alors même que l’intérêt de cette combinaison a été démontré grâce à des financements de l’organisation internationale Unitaid, donc de l’argent public.
Motifs peu justifiés et politiques
Sanofi reçoit au seul titre du crédit d’impôt recherche 150 millions d’euros par an. C’est, chaque année, deux fois plus que l’annonce de la ministre de la santé, Agnès Buzyn, en juin 2019, aux personnels hospitaliers et urgentistes en grève depuis des mois. Et ce n’est qu’une petite partie de l’aide publique qu’il reçoit. Or, depuis 2009, ce laboratoire a supprimé plus de 2 800 postes de chercheurs.
Ces exemples, et tant d’autres, sont documentés par des ONG, jamais par l’Etat lui-même, qui refuse la transparence sur la destination des financements publics à la recherche et au développement et qui accepte que nous payions les médicaments au moins deux fois : par ses soutiens nombreux, directs et indirects, à la recherche, et par le remboursement de médicaments dont la légitimité du prix n’a pas été évaluée.
La ministre de la santé ne voit aucun problème à ce que notre système solidaire se ruine pour repayer un médicament que nous avons déjà financé
Un changement se dessinait depuis mai 2019, sous la pression militante. Il aura fallu se battre pour que la France soutienne une résolution de l’Assemblée mondiale de la santé invitant les pays à assurer la transparence sur les prix des médicaments ; il aura fallu se battre, malgré une mauvaise volonté évidente du gouvernement, pour qu’une disposition ajoutée au projet de loi de financement de la Sécurité sociale en novembre 2019 oblige les industriels à fournir le détail des aides publiques reçues pour le développement d’un médicament.
Il vous reste 50.94% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.